Les tickets-restaurant sont des titres de paiement qui permettent aux salariés de se restaurer pendant leur pause déjeuner. Ils sont financés en partie par l’employeur et en partie par le salarié. Ils sont utilisés par environ cinq millions de Français, dans plus de 200 000 commerces, notamment des restaurants, des supermarchés ou des boulangeries.
Depuis 2014, les tickets-restaurant peuvent être dématérialisés sous forme de carte ou d’application mobile. Cette option présente plusieurs avantages : une facilité d’utilisation, une sécurité renforcée, une réduction des coûts de gestion et une meilleure traçabilité. Cependant, la dématérialisation n’est pas encore généralisée : environ 40 % des titres sont encore au format papier.
Le gouvernement a annoncé, le 2 octobre 2023, son intention d’accélérer la dématérialisation des tickets-restaurant et de la rendre obligatoire avant 2026. Cette mesure vise à simplifier le dispositif et à réduire les commissions prélevées par les émetteurs de titres, qui pèsent sur les restaurateurs. Elle pose aussi la question du maintien du don de tickets-restaurant aux associations caritatives, qui représentent une source importante de financement pour ces dernières.
Quels sont les enjeux et les conséquences de la dématérialisation des tickets-restaurant pour les différents acteurs concernés ?
Les bénéfices de la dématérialisation pour les salariés
La dématérialisation des tickets-restaurant offre plusieurs bénéfices pour les salariés qui en bénéficient. Tout d’abord, elle leur permet de payer plus facilement et plus rapidement leurs repas, sans avoir à manipuler des coupons papier. Elle leur évite aussi le risque de perte ou de vol de leurs titres, qui sont sécurisés sur leur carte ou leur smartphone.
Voici une vidéo parlant de cette nouvelle :
Ensuite, elle leur donne plus de flexibilité dans l’utilisation de leurs tickets-restaurant. En effet, avec la carte ou l’application, ils peuvent payer au centime près le montant exact de leur repas, sans avoir à faire l’appoint ou à demander la monnaie. Ils peuvent aussi fractionner leurs titres et les utiliser plusieurs fois dans la journée, dans la limite du plafond journalier fixé à 38 euros.
Enfin, elle leur permet de mieux gérer leur budget et leur consommation. Avec la dématérialisation, ils peuvent consulter à tout moment le solde et l’historique de leurs transactions sur leur espace personnel en ligne. Ils peuvent aussi recevoir des alertes en cas de faible crédit ou d’expiration prochaine de leurs titres.
Les difficultés rencontrées par les restaurateurs avec les tickets papier
Les restaurateurs sont les principaux destinataires des tickets-restaurant, qui représentent environ 10 % de leur chiffre d’affaires. Cependant, ils rencontrent de nombreuses difficultés avec les tickets papier, qui leur coûtent du temps et de l’argent.
Tout d’abord, ils doivent gérer un stock important de coupons papier, qu’ils doivent trier, compter, vérifier et stocker dans un lieu sûr. Ils doivent aussi se rendre régulièrement à la banque ou au centre d’encaissement pour déposer leurs titres et recevoir le paiement correspondant. Ce processus peut prendre plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui pèse sur leur trésorerie.
Ensuite, ils doivent payer des commissions aux émetteurs de titres-restaurant, qui sont chargés de fabriquer, distribuer et rembourser les coupons papier. Ces commissions varient entre 3 et 5 % du montant total des transactions, ce qui représente une charge importante pour les restaurateurs, surtout dans un contexte de crise sanitaire et économique.
Enfin, ils doivent respecter des règles strictes d’utilisation des tickets-restaurant, qui limitent leur acceptation aux jours ouvrables, aux repas du midi et à certains types de produits alimentaires. Ces règles sont souvent difficiles à appliquer et à contrôler, ce qui expose les restaurateurs à des risques de fraude ou de sanction.
Les risques de distorsion de concurrence entre les émetteurs de titres
Les émetteurs de titres-restaurant sont les entreprises qui proposent aux employeurs de mettre en place le dispositif des tickets-restaurant pour leurs salariés. Il existe actuellement six émetteurs agréés en France : Edenred, Sodexo, Natixis Intertitres, Up, Monetico Resto et Swile. Ces émetteurs sont en concurrence sur le marché des tickets-restaurant, qui représente environ 6 milliards d’euros par an.
La dématérialisation des tickets-restaurant pourrait avoir un impact sur la concurrence entre les émetteurs, en modifiant les conditions d’accès et de fonctionnement du marché. En effet, la dématérialisation implique des investissements importants en matière de technologie, de sécurité et de service client. Elle nécessite aussi de nouer des partenariats avec des réseaux de paiement, comme Mastercard ou Visa, pour assurer l’interopérabilité des cartes ou des applications.
Ces éléments pourraient créer des barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs ou renforcer la position dominante des acteurs historiques. C’est pourquoi le gouvernement a saisi l’Autorité de la concurrence pour enquêter sur d’éventuels abus de position dominante dans l’application des commissions ou dans la qualité du service rendu aux utilisateurs. Les résultats de cette enquête devraient être connus dans les prochains jours.
Les solutions envisagées pour préserver le don aux associations
Le don de tickets-restaurant aux associations caritatives est une pratique solidaire qui permet aux salariés de soutenir les personnes en situation de précarité alimentaire. Chaque année, environ 15 millions d’euros sont ainsi collectés par les associations, qui les utilisent pour acheter des produits alimentaires ou financer des repas.
La dématérialisation des tickets-restaurant pourrait remettre en cause cette pratique, en rendant plus difficile la collecte et l’utilisation des titres. En effet, avec la carte ou l’application, les salariés ne peuvent plus donner physiquement leurs tickets-restaurant aux associations. Ils doivent passer par un intermédiaire, comme un site internet ou une borne de collecte, ce qui peut réduire leur motivation ou leur confiance.
Plusieurs solutions sont envisagées pour préserver le don aux associations, tout en respectant le principe de la dématérialisation. Par exemple, les émetteurs de titres pourraient proposer aux salariés une option de don direct sur leur espace personnel en ligne, en partenariat avec les associations. Les associations pourraient aussi développer des outils numériques pour faciliter la collecte et l’utilisation des titres dématérialisés. Enfin, le gouvernement pourrait inciter fiscalement les salariés à donner leurs tickets-restaurant aux associations, en leur accordant une réduction d’impôt.
Est-ce utile ?
La dématérialisation des tickets-restaurant est une mesure qui vise à simplifier et à moderniser ce dispositif, qui bénéficie à des millions de salariés et de commerçants. Elle présente des avantages indéniables pour les utilisateurs, qui peuvent payer plus facilement et plus efficacement leurs repas. Elle répond aussi aux attentes des restaurateurs, qui souhaitent réduire les coûts et les contraintes liés aux tickets papier.
Cependant, la dématérialisation pose aussi des défis et des questions pour les différents acteurs concernés. Elle nécessite une vigilance sur le respect de la concurrence entre les émetteurs de titres, qui doivent offrir un service de qualité et transparent aux utilisateurs. Elle implique aussi une adaptation pour préserver le don aux associations caritatives, qui jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la précarité alimentaire.
La dématérialisation des tickets-restaurant est donc un projet ambitieux et complexe, qui nécessite une concertation et une coordination entre tous les acteurs concernés.