Yassine Yakouti est un avocat spécialisé dans la défense des victimes d’infractions pénales. Il a publié plusieurs ouvrages et articles sur le sujet, dans lesquels il analyse l’évolution du statut et du rôle de la victime dans le système de justice pénale.
Selon lui, les victimes ont acquis progressivement des droits et une place plus importante dans le procès pénal, mais il reste encore des défis à relever pour garantir une meilleure protection et une réparation effective de leurs préjudices. Dans ce billet, nous allons présenter les principaux points de vue de Yassine Yakouti sur les droits des victimes dans le système de justice pénale, en nous appuyant sur ses publications et sur d’autres sources d’information.
Yassine Yakouti explique l’évolution historique du rôle de la victime dans le système pénal
Selon Yassine Yakouti, le rôle de la victime dans le système pénal a connu plusieurs phases historiques. Dans les premières sociétés humaines, la victime était au centre du conflit et avait le droit de se venger ou de demander une compensation à l’auteur du délit. Le droit pénal et le droit civil n’étaient pas séparés, et la justice était rendue par des juges qui arbitraient les litiges entre les parties. Avec l’émergence de l’État et du pouvoir royal, la victime a perdu son rôle actif dans le procès pénal, qui est devenu l’affaire du souverain. Le délit n’était plus considéré comme une atteinte aux intérêts privés de la victime, mais comme une violation de l’ordre public et une offense au roi.
Voici une vidéo expliquant les droits des victimes :
La victime n’était plus qu’un témoin à charge contre l’accusé, et n’avait pas accès à la réparation de son dommage. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que la victime a commencé à retrouver un rôle plus important dans le procès pénal, grâce à la reconnaissance de la possibilité de se constituer partie civile et de demander des dommages-intérêts à l’auteur de l’infraction. La jurisprudence puis le code de procédure pénale ont consacré ce droit, qui permet à la victime d’intervenir aux côtés du ministère public pour soutenir l’accusation et obtenir réparation.
L’indemnisation des victimes d’infractions pénales
Yassine Yakouti souligne que l’indemnisation des victimes d’infractions pénales est un aspect essentiel des droits des victimes, qui vise à réparer les préjudices matériels et moraux subis par celles-ci. Il rappelle que l’indemnisation des victimes a connu un développement important en France depuis les années 1980, avec la création d’un fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), qui permet aux victimes d’être indemnisées par l’État lorsque l’auteur de l’infraction est inconnu, insolvable ou non assuré. Il mentionne également l’existence d’autres dispositifs d’indemnisation, tels que la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), qui peut accorder une indemnisation aux victimes d’infractions graves (violences volontaires, agressions sexuelles…), ou encore le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI), qui aide les victimes à recouvrer les dommages-intérêts accordés par les juridictions pénales. Yassine Yakouti reconnaît que ces mécanismes ont permis d’améliorer la situation des victimes, mais il pointe aussi leurs limites et leurs insuffisances.
Il critique notamment le fait que l’indemnisation des victimes soit soumise à des conditions restrictives, comme la nécessité de déposer plainte, le respect de délais, ou encore l’existence d’un seuil de gravité du préjudice. Il déplore également le manque de moyens et de personnel des organismes chargés de l’indemnisation, qui entraîne des retards et des lenteurs dans le traitement des dossiers. Il plaide en faveur d’une simplification et d’une harmonisation des procédures d’indemnisation, ainsi que d’une augmentation des ressources allouées à cette mission.
L’accompagnement et le soutien des victimes d’infractions pénales
Yassine Yakouti insiste sur le fait que les victimes d’infractions pénales ont besoin d’un accompagnement et d’un soutien adaptés à leurs besoins, qui vont au-delà de la simple indemnisation financière. Il rappelle que les victimes peuvent souffrir de conséquences psychologiques, sociales et familiales importantes, qui nécessitent une prise en charge spécifique. Il met en avant le rôle des associations d’aide aux victimes, qui offrent aux victimes un accueil, une écoute, une information, un conseil juridique, un accompagnement dans les démarches administratives et judiciaires, ainsi qu’un soutien psychologique. Il souligne que ces associations sont reconnues par la loi comme des acteurs essentiels du service public de la justice, et qu’elles bénéficient d’un financement public et de conventions avec les autorités judiciaires.
Il salue également les initiatives visant à renforcer la coopération entre les associations d’aide aux victimes et les autres acteurs du système de justice pénale, comme les magistrats, les avocats, les forces de l’ordre, ou encore les services pénitentiaires. Il cite notamment l’exemple du dispositif « Justice proximité victimes », qui vise à faciliter l’accès des victimes aux services de justice et aux associations sur le territoire. Yassine Yakouti appelle toutefois à une meilleure reconnaissance et valorisation du travail des associations d’aide aux victimes, qui font face à des difficultés financières et organisationnelles. Il propose notamment de renforcer leur formation, leur statut et leur représentation au sein des instances consultatives et décisionnelles en matière de politique pénale.
La participation des victimes au procès pénal
Yassine Yakouti affirme que les victimes ont un droit à participer au procès pénal, qui est une étape cruciale pour leur reconstruction et pour l’affirmation de leur dignité. Il rappelle que les victimes peuvent exercer plusieurs droits au cours du procès pénal, comme le droit à être informées de l’évolution de la procédure, le droit à être assistées par un avocat, le droit à se constituer partie civile, le droit à être entendues par le juge ou le jury, le droit à demander des mesures de protection ou de confidentialité, ou encore le droit à faire appel ou à se pourvoir en cassation.
Il souligne que ces droits ont été renforcés par plusieurs lois au cours des dernières années, comme la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, qui a créé un statut de « victime témoin assisté », ou la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a étendu le droit à l’assistance d’un avocat aux victimes auditionnées par les services enquêteurs.
Yassine Yakouti reconnaît que ces évolutions législatives ont permis d’améliorer la participation des victimes au procès pénal, mais il regrette que ces droits ne soient pas toujours respectés ou effectifs dans la pratique. Il dénonce notamment le manque d’information et d’accompagnement des victimes tout au long de la procédure, la complexité et la longueur des délais judiciaires, ou encore la faible prise en compte de la parole et du ressenti des victimes par les magistrats et les jurés.